|
Face Est Campbiel Eperon Fischesser et arete de Lentilla
Generated by Galerie
lundi 23 mars 2009
Cliquez sur une image pour l'agrandir.
30 ans que j'en révais
15 ans que j'y pensais
10 jours que je l'étudiais
2 jours que je m'organisais pour
6 heures que je me concentrais sur
2 heures pour m'en approcher
1 minutes pour décider d'y aller
1 seconde pour réaliser ...
que ça y est, on y est
Quand j'étais enfant, je venais souvent skier à Piau et, de temps en
temps, les après midi de mars ou avril, des grondements sourds nous
faisaient sursauter...
Quel spectacle !!!
Des coulées dévalaient de cette immense face de plusieurs kilomètres
de large qui part du Pic Méchant jusqu'au port du Campbieil...
En haut, tout en haut, le vent emportait des cheveux de neige et la
muraille descendait, interminablement jusqu'au torrent...
Quelles montagnes, quelle ampleur...
Comment gravir tout cela.???
J'en révais et je la redoutais en même temps...
Et puis le temps a passé et j'ai grandis.
J'ai appris à me méfier des avalanches.
J'ai aussi appris que la nuit, elles dorment et le matin, elles font
souvent la grâce matinée, mais l'après midi, elles peuvent fondre sur
toi comme un rapace.
Et puis par où passer dans cette immense face?
Alors, sagement, j'ai commencé mon exploration.
J'ai d'abord gravi le Campbieil... le maître des lieux avec ces 3175 m
et sa face haute de près de 1400 m, en été, par le lac de Cap de long,
puis en hiver par le port de Campbieil puis la hourquette de Cap de
Long.
Je l'ai photographiée, d'en haut, d'en bas, d'en face, de côté.......
Et puis un jour, je me suis décidé..
J'en ai parlé avec Francis Mousel qui l'avait faite l'été d'avant par
l'éperon Fichesser pour le refaire avec lui en hiver... mais il est
parti à Chamonix ... pour toujours..
Je suis ensuite partis une nuit avec Bruno Milhès... mais nous ne
sommes pas allés bien loin car nous avions pris un mauvais itinéraire,
trop déversant, trop long, avec trop de neige, trop tôt, trop mal
renseigné.
L'année suivante, j'ai voulu repartir avec Gérad Gomez, Philippe
Albressac et Jean Michel Courtois avec qui nous formions une équipe
assez volontaire.
J'ai renoncé craignant le mauvais temps annoncé, préférant co encadrer
avec Claude Lenseigne une collective au Pic du géant ..
Ils sont partis, trop tôt, ont raté le passage permettant d'accéder au
premier "glacier suspendu", et se sont retrouvés en pleine face...
forcé d'ouvrir un nouvel itinéraire probablement jamais parcouru...
Nous devions y revenir... mais la Sierra de Cadi allait perturber nos
envies.
Donc pas évident de trouver l'accès...
Il y a bien le couloir des Corridors... mais... trop classique, pas
assez direct.
Il y a avait aussi l'éperon Fichesser, trop engagé pour moi, sauf à le
parcourir avec un équipier plus "capé".
Le temps passait...
et puis il y a eu cet hiver... exceptionnel
et ces 15 derniers jours de gel / dégel / regel qui calmaient un peu
les ardeurs des avalanches
Les conditions étaient là. Ma dernière sortie au couloir Billon à
l'Arbizon confirmait mon diagnostic.
C'était le moment, d'autant que je savais maintenant où passer (ou
presque).
Il y a quelque années, Rémi T. m'avait indiqué la présence d'une
goulotte qui se voit du parking mais aussi d'un couloir "débonnaire"
mais caché qui permettait d'accéder au "glacier inférieur"
D'autres m'ont dit que cet itinéraire avait été skié "sans déchausser"
et qu'il était beaucoup plus redouté que redoutable : une grande et
belle course de neige, sans plus, niveau AD maximum
Restait à trouver un ou plusieurs co équipiers, pas forcément très
pointus mais motivé et avec un bon moral.
Et seule, Mathilde, s'est déclarée intéressée.
Nous quittons donc Toulouse samedi après midi direction Piau.
Après 2 heures de route, nous arrivons sur un parking , déserté par
les voitures de skieurs.
De boites de coca et des sacs plastique traînent ça et là.. C'est
glauque et sinistre.
Il fait froid.
La lumière bleuté envahit la face et, franchement, l'itinéraire
apparaît austère, peu engageant et pour partie bien moins enneigé que
sur certaines de mes photos
La goulotte d'accès indiqué par Rémi n'est même pas entièrement en
neige.
Et nous sommes que deux... et à deux, le moral flanche vite...
Mathilde qui découvre la face (1400 m quand même) pense à son prochain
départ pour le Cambodge et n'est plus trop motivée pour y aller.
Le doute fini par m'atteindre.
Doit-on renoncer une fois de plus, du parking....
Non, on se lève, un peu plus tard que prévu, on va voir et on
renoncera au pied de la goulotte ou de ce couloir caché dont on m'a
parlé. Après on ira faire tranquillement du ski de piste.
Nous dormons dans la voiture, car je crains que si l'on redescend à
Ancizan, nous ne remontions jamais.
On règle le réveil à 4 h.
4 h ....Le givre recouvre les vitres de la 806.
Il fait froid. Qu'est ce qu'on fout là...
Bon, on vide un thermos, on avale quelque céréales et on y va pour
voir et on revient vite...
5 h - 1 850 m... on part...
Les frontales éclairent peu, la lune est absente et les étoiles n'en
sont que plus présentes
La face se dresse devant nous sombre, sinistre et menaçante.
Nous avançons d'un bon pas.
Tout à coup, la pente, lisse et régulière se transforme en champs de
labour, en champs de bataille.
Des blocs de neige de 50 cm à 1 m encombrent tout l'horizon couvert
par le faisceau de nos frontales.
Mieux vaut ne pas se faire prendre, un après midi..c'est la garantie
de se faire broyer...
Nous cheminons après avoir repéré le couloir d'accès qui mène à une
brèche 1000 m au dessus entre le Campbieil et une antécime de
l'Estaragne.
Ce couloir très évasé se resserre et se redresse rapidement.
Un éperon semble surgir de la pente sur la gauche.
Il s'élance rapidement. C'est le tout début de l'éperon Fichesser.
Nous l'avions suivi il y a quelques années mais ce n'est pas
l'itinéraire le plus simple ni le plus sûr.
Nous remontons prudemment ce grand couloir d'avalanches.
Je guette dans la pénombre à gauche une échancrure dans la parois qui
m'apparaît beaucoup plus modeste que je ne le croyais.
Je comprend vite que dans la nuit, on puisse passer à côté.
6 h 30 - 2250 m
Je m'arrête, attend Mathilde alors que les premières lueurs
apparaissent à l'Est.
Pendant qu'elle me rejoint, se restaure et chausse ses crampons, je
fais quelques dizaines de mètre de reconnaissance.
La goulotte d'accès est peu sympathique, pas franchement raide mais
visiblement en mixte avec probablement du rocher assez délité....
mais, là sur la droite un couloir, rectiligne, relativement raide mais
en bonne neige qui semble mener à une brèche.
Avec l'arrivée de la lumière, je devine que l'on pourra probablement
prendre pied sur le premier "glacier" suspendu.
C'est bien ce couloir "caché", invisible depuis le bas ou le parking
que l'on m'avait indiqué.
Je reviens vers Mathilde et lui annonce la bonne nouvelle. Enfin, je
ne sais pas si pour elle c'est une si bonne nouvelle...
On peut encore avancer et aller voir.
Peut être que....
On met les baudriers, on sort les deux piolets
On choisit de ne pas s'encorder mais celle ci est bien sur le dessus
du sac
et on démarre.
Les pointes avant des crampons mordent franchement la neige.
Les appuis sont stables.
Nous montons rapidement et en confiance alors que le soleil dévale la
face et illumine le couloir.
Nous débouchons vers 2400 à un collet au pied d'un imposant gendarme.
De l'autre côté, un couloir descend lui aussi vers la vallée...
Au dessus de nous, la voie d'accès de l'éperon Fichesser s'élance . Il
y a d'ailleurs une paire de trace.
Sur la droite, à l'issue d'une longue traversée horizontale de 80 m,
pas très raide mais assez exposée, nous pouvons prendre accès sur ce
glacier suspendu (que j'appelle glacier car il ne font que très tard
en août septembre et reprend les formes débonnaires de calottes
glaciaire... des Alpes).
L'été c'est plutôt un jardin suspendu mais il y a toujours quelques
névés qui traînent ici ou là.;
Et voilà, nous sommes partis...
Ce passage expo étant difficilement protégeable et vu la qualité de la
neige, nous passons toujours sans encordement... même si le passage
apparaît, une fois dedans quelques peu anxiogène.
Mieux vaut éviter de le repasser avec une neige... instable.
C'est un peu un point de non retour et nous nous offons ensuite une
pause pour nous remettre un peu de nos efforts et émotions.
En fait, ce passage est protégeable à condition de se coller contre la
barre rocheuse qui se trouve au dessus... mais c'est plus long... et
le temps dans ce genre de sortie est à lui seul un problème.
La suite est une longue remontée d'une pente d'abord douce puis qui se
raidit au fur et à mesure que l'on se rapproche des contreforts du
sommet.
Sur la gauche, on voit très bien l'éperon Fichesser que l'on peut
rejoindre (ou quitter) en plusieurs endroits.
Il y a ainsi trois épaulements successifs espacés par des ressauts
rocheux de 40 à 50 m, pas très raide mais probablement en rocher
médiocre.
Les arêtes de neige paraissent elles superbes, fines, élancées,
aériennes.
Etant un peu en retard par rapport à un horaire idéal, nous
choisissons de prendre pied sur l'éperon qu'au niveau de l'épaule
supérieure qui est accessible grace à une pente en bonne neige de 40 °.
Depuis cette épaule, nous voyons au dessous de nous l'arrivée du
couloir des Corridors. Au dessus l'éperon Fichesser se prolonge
essentiellement par une fine arête de neige parfois contrariée par de
court passages rocheux.
Après avoir fait une nouvelle pause, nous nous encordons pour franchir
quelques passage rocheux et d'autres en neige un petit peu expo, mais
rien d'impressionnant quand même.
La neige reste ferme et il n'y a pas un souffle de vent. Sur notre
droite, nous entendons régulièrement des blocs dévaler du sommet...
Il est vraiment capital de tenir un horaire et d'avoir rejoint
l'éperon avant 9 h voire 8 h 30.
La pente se redresse et nous débouchons ensuite sur une fine crête de
neige qui va nous mener tranquillement sur le glacier supérieur qui
lui est un vrai glacier qui ne fond jamais.
Il est situé à 3000 m juste sous la crête sommitale et m^me au plus
fort de l'été, ses neige restent bien blanches, immaculées.
Nous pourrions décider d'aller au plus facile et de rejoindre un
collet entre les deux sommets du Campbieil mas non...
Nous poursuivons directement vers le sommet principal, histoire de ne
pas galvauder cette superbe ligne.
Néanmoins, une énorme corniche de glace et de neige barre l'accès au
sommet.
Mieux vaut s'en écarter... elle peut céder à tout moment et un
gendarme de montagne, cet hiver, au Pic du Midi, en a fait l'amère
expérience.
Nous passons sous un bombement rocheux et je fini la dernière pente en
tirant une longueur.
Je débouche sur la crête sommitale où une bise glaciale me fouette le
visage.
Quel contraste avec la relative douceur de la face Est...
Je fais rapidement venir Mathilde puis, toujours encordés, nous
rejoignons le sommet à une centaine de mètres ;
Contrairement à mon habitude, nous n'y resterons pas longtemps car il
fait vraiment très froid (nous sommes pratiquement à 3200 m) et , côté
Sud est, les pentes se réchauffent et deviennent peu à peu
inhospitalières.
Nous rejoignons ainsi rapidement le second sommet à 3157 m pour
s'engager sir la crête de Lentilla.
Pour gagner un peu de temps , je schunte la première partie de l'arête
en descendant une partie du couloir, côté Ouest pour reprendre ensuite
pied sur la crête.
Nous sommes toujours encordé, mais une fois sur l'arête , je lâche les
40 m de la corde, ce qui nous assure, au milieu des écailles de roches
et des langues de neige, un bon niveau de sécurité en cas de dévissage.
Nous progressons ainsi de concert, Mathilde devant et moi 40 m derrière.
Au point côté 2882 m, il y a sur la gauche un beau couloir raide mais
relativement évasé qui semble être un bon raccourcis pour rejoindre au
plus vite le bas de la face 800 m plus bas.
Après avoir apprécié la tenue de la neige et de la pente, nous
l'empruntons sans retenue et dévalons le couloir à toute jambe en
gardant une énorme distance de sécurité (nous ne sommes que deux).
Puis, je me mets sur les fesses, puis sur la pelle et cette descente
se fait à toute allure...
En quelques minutes seulement, nous perdrons ainsi 400 à 500 m de
dénivelés.
Nous passons à l'ombre d'un énorme éperon puis, un peu plus bas, nous
rejoignons les itinéraires de descente du Port du Campbieil.
Quelques uns ont eu la bonne idée de passer en raquette, ce qui nous
fait une belle trace bien damée, bien agréable à suivre.
Dès que l'on en sort, nous nous enfonçons jusqu'à mi mollet.
Nous rejoignons ainsi sans trop tarder le bas de la station et
commençons à croiser des êtres humains, nous qui n'avions vu ni
entendu personne depuis la veille.
Il est 13 h 30 et la sortie est fini.
Encore quelques photos pour étudier un nouvel itinéraire dans cette
grande face et il est temps de rentrer, à la voiture, puis chez soi.
1550 m de dénivelé positif, près de 9 h de marche ininterrompue mais,
nous aurons véritablement vécu une belle aventure surtout avec ce
parcours sur lequel je n'avais pas beaucoup de renseignement, ni sur
l'itinéraire, ni sur les conditions de neige que nous pourrions
rencontrer.
Bref, une belle et grande expérience que je recommande à tout ceux qui
ont le pied montagnard..
A bientôt
|