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Munia- Mars 2002


Generated by Galerie
lundi 13 avril 2009


Cliquez sur une image pour l'agrandir.

Munia :
Etoile lointaine

Coter "BSA" la Munia (3145 m) en ski alpinisme tel que je l'ai mentionné
dans le programme d'hiver relève, au final .... de la plus grande 
légèreté.

En fait, la bonne cotation serait plutôt de l'ordre de TBS-A-GE-GA
TBS pour la raideur des pentes à la montée comme à la descente, la
nécessaire analyse du terrain et du manteau neigeux, l'indispensable
appréciation des risques d'avalanche.... et de chute, l'inoxydable 
moral que
l'on doit avoir pour trouver son chemin au milieu des barres à 
l'arrivée du
crépuscule.
A pour alpinisme sur l'arête (passage de 2 sup voir 3 si l'on s'écarte 
de
l'itinéraire)
GE pour grosse endurance, soit 2 200 m de dénivelé dont 900 de portage 
en
une seule journée de 13 h
GA pour grosse ambiance avec le spectacle du cirque de Pinéta, du Mont
perdu, du Soum de Ramon puis du cirque d'Estaubé et de la muraille de
Baroude sans parler d'un panorama "total" sur une bonne partie de la 
chaîne.

Pour ce faire, si vous êtes tenté par l'aventure, choisissez des 
partenaires
motivés et indestructible voir légèrement idéalistes car, la Munia par
Pinéta n'est pas vraiment adaptée au ski-alpinisme mais plus à 
l'alpinisme à
ski.

La Munia par Pinéta... dix ans au moins que cette légende cours les 
refuges,
que des récits épiques sont comptés à voix basse  dans l'obscurité des
bas-flancs par d'intriguant personnage qui prétendent qu'il y aurait 
bien,
effectivement, un passage menant à ce nirvana, dix ans que je me dis 
qu'il
faudra démasquer l'itinéraire caché que seuls les choucas et les 
isards ont
emprunté un jour, il y a longtemps, pour échapper à des chasseurs.
Dix ans que j'attends qu'il y ait assez de neige en Pineta, mais pas 
trop,
car les avalanches y sont redoutables... et redoutés...
Dix ans déjà et puis, cette année, pour ne pas remettre à l'année 
prochaine
cette quête obsédante, une date sur un programme et une cotation 
franchement
fantaisiste qui heureusement n'a pas séduit beaucoup d'aventureux

N'ayant collecté que des fragments d'informations sur cet itinéraire 
dont on
parle à voix basse, je ne me suis pas risqué à encourager trop de monde,
jeudi dernier à s'embarquer dans cette épopée.

Nous n'étions donc que cinq à partir, inconscients de ce qui nous 
attendait
vers la Pinéta : cinq dont trois brevetés : Thierry Vidone, Olivier ???,
Pierre Dunglas toujours au rendez-vous des sorties "engagées", Christine
Mercier, déjà remise du stage initiateur et moi-même qui souffrait du
déplacement de la D2 (dorsale n° 2).

Arrivé en fin d'après midi au fond de la Pinéta, la neige est bien là, 
au
sol, malgré l'altitude modeste(1240 m). Le ciel est clair.
Côté avalanche, les faibles accumulations en Espagne nous rassurent 
d'autant
que les versants sud sont partiellement dégarnis.
Pour mémoire, la Munia est au Nord de la Pinéta.

Après avoir repéré le début de l'itinéraire qui emprunte un chemin bien
marqué au dessus du Parador à travers une forêt de hêtres et de 
sapins, nous
rentrons vers le refuge de la Pinéta ou le gardien nous accueille un peu
froidement. Bien que cet immense refuge soit ouvert.... et vide, il 
regrette
que nous n'ayons réservé et hésite à nous accueillir.
Christine saura le convaincre dans un espagnol parfait.

Un peu plus tard, dans la soirée, nous questionnons le gardien sur
l'itinéraire.
Surpris par notre projet, il avoue....., qu'il n'y a pas d'itinéraire
d'hiver sauf à passer par la vallée de Parzan ou de se diriger vers le 
pic
de Comodo.
Mais la Munia par Pinéta, non, c'est uniquement en été et avec des
montagnards...au pied sûr.

Bon. On a quand même pas fait le voyage pour rien ! Les risques 
d'avalanche
sont faibles, le moral est bon. On va tester. On verra bien

Départ de la voiture à 7 h 25.
Le soleil embrase déjà le pic de Pinéta et les contreforts du Mont 
Perdu qui
nous cache sa cime.
Nous chargeons les skis sur nos sacs et arpentons un chemin bien 
marqué qui
s'élève au dessus de la chapelle du Parador.
Les 300 m qui nous sépare de,la vallée de La Larri sont vite avalés.
Arrivé au refuge de La larri qui est plutôt un abri à touristes 
surpris par
le mauvais temps, il nous faut nous rendre à certaines évidences : nous
allons porter nos ski un bon moment.
Au fond de cette vallée suspendue, un mur de 600 m défend l'accès à un
vallon qui doit nous permettre d'accoster les lacs de la Munia à 2 600 
m par
le baranco de Fuen.
Interloqués, nous hésitons et puis, dans la lumière blafarde du matin, 
nous
discernons un fragile cheminement au milieu des barres, un cheminement 
si
escarpé que même les pins n'ont osé s'y aventurer au fils des siècles.
Allons voir !

Au milieu de cette vallée suspendu trône une croix monumentale. Sur son
socle, une plaque indique six noms.... et une épitaphe de Lionel Terray.
Poursuivons !

Le chemin monte d'abord dans les bruyères puis, lentement se disperse et
s'éteint. Nous ne sommes pas sur un autoroute.
Nous montons droit dans la pente, notre harnachement sur le dos.
Arrivé contre la première barre, des traces d'Izards nous indiquent un
cheminement et puis, là, trois cailloux,l'un sur l'autre. L'homme 
s'est déjà
passé par là.
Nous empruntons une sente timide , précédé par une harde d'Izards si 
surpris
par notre présence qu'ils en oublient d'être farouche.
La sente s'élève, disparaît sous la neige. De temps en temps, des 
marques de
peinture rouge et blanche, effacée par le soleil et le gel, indiquent 
que
des peintres ont, un jour, exercé leur talents sur ces pierres ;
Nous montons maintenant depuis une heure au sein de ces pentes escarpées
quand, le soleil nous rejoint. Les Izards sont juste au dessus , juste 
sur
l'itinéraire qu'ils connaissent bien visiblement. Ils semblent nous 
montrer
la voie.
Après une longue pose, nous reprenons notre cheminement. Le vide 
derrière
nous se fait impressionnant. Mieux vaut ne pas glisser sur l'herbe ou 
une
plaque de neige.....
Au dessus du vide, il y a un des plus beaux panorama que l'on peut
contempler dans les Pyrénées : tout le Canyon de Pinéta couronné par les
Très Maria, le Soum de Ramon, Le Mont Perdu, Le cylindre, le Marboré, 
le Pic
de Pinéta....
La neige qui s'accroche sur les vires calcaires semble dessiner des 
courbes
de niveau qui rende ce paysage irréel. Sommes nous dans les 
Dolomites ???

Vers 2200 m, nous prenons enfin pied sur un éperon à partir duquel, nous
allons enfin pouvoir chausser nos skis.
La neige est dure, stable, sculptée par le vent.
La pente est maintenant beaucoup plus douce et le vallon de Fuen qui 
borde
l'éperon s'élève paisiblement jusqu'à 2600.
Derrière un petit collet, un ou deux lac dorment sous leur couette de 
glace.
Au nord, c'est la Munia, bien défendue par une arête de neige et de roc.
Il est déjà 12 h 30.
Devons nous renoncer ???
Nous ne reviendrons pas de si tôt. Le sommet est là, 500m au dessus. 
Il faut
y aller.
Au dessus des lacs, une longue pente nous conduit à un col à partir 
duquel
l'arête s'élance vers le sommet.
La pente bien que soutenu ne suggère aucune inquiétude. La neige est 
bien
transformée, compacte.
Christine, souhaitant garder un peu de jus pour le reste de la journée 
se
laisse décrocher.
Nous arrivons au col.
Un vent violent nous accueille. Il va falloir se le gagner ce sommet !
Veste , crampons, baudrier, nous sommes vite équipé.
Pierre préfère rester sous le col à l'abris du vent et rejoindre 
Christine.
Nous ne sommes plus que trois à nous engager sur l'arrête, moi en 
crampons,
Thierry et Olivier sans.
Le choix n'est pas évident car il y a beaucoup de passages de rocher,
généralement du 2, mais certains dont le bien nommé "pas du chat" sont
escarpés et les crampons ne sont pas forcément un atout dans ces 
conditions.
Après quelques dizaines de mètre nous nous écartons de l'itinéraire qui
passe versant nord (gros cairn).
Le fil de l'arête présente alors un ressaut en 3+, peu évident.
Nous hésitons à sortir la corde pour équiper, mais il est tard et il 
faut
faire vite.

L'obstacle franchis, l'arête ne présente plus de difficultés mais elle 
est
longue et ce n'est qu'à 14 h 45 que nous parvenons au sommet central 
de la
Munia.

Quel spectacle !
En face, c'est le Robiniera, un autre 3 000 bien défendu.
Au sud, la Pineta, le Mont perdu, Gavarnie....
A l'ouest, le Vignemale, le Balaïtous et bien d'autres sommets
Au nord, les massifs du Campbhiel et du Néouvielle,
A l'est, la Punta Suelsa, les Posets, le Schrader, le Luchonnais et au 
loin
le Maubermé...
A nos pied, le cirque d'Estaubé, la muraille de baroude et le cirque de
Baroude....que demander de plus ?  des glaciers ? des 8 000 ????

Il est 15 h. Il est plus que temps de redescendre.

Nous courrons littéralement sur l'arête, à la poursuite du temps passé,
conscient que la journée est loin d'être finie.
En effet, personne n'est vraiment chaud pour s'engager dans la 
descente par
l'itinéraire de montée. Il y a tout à redouter d'une erreur 
d'inattention,
de la fatigue, du poids des skis qui aboutissent parfois au faux 
pas.....

Non, nous passerons par ailleurs.

Nous allons descendre par le vallon sud qui mène à la vallée de Parzan.

Nous rejoignons rapidement Pierre et Christine qui nous attendent au 
bas du
col. La neige est, sur les 300 premiers mètres de dénivelés, excellente
puis, plus lourde sans jamais être pénible.
Une grande traversée au dessus des Lacs de la Munia nous mène à un col.
Après une courte descente, une brusque rupture de pente apparaît.
Il nous faut maintenant descendre dans une gorge étroite qui est en 
fait un
véritable couloir d'avalanche. Par chance, la neige, quoique 
réchauffée est
parfaitement skiable et même agréable.
Nous poursuivons notre descentes sur des pentes souvent raides jusqu'à 
1900
m au fond de la vallée de Parzan. Une piste mène d'ailleurs à cet 
endroit
assez bucolique (pelouse, ruisseau, talwegs). Il est 16 h 30 et il 
nous faut
désormais rejoindre la vallée de Pineta par un itinéraire imprécis, tout
contre le Pic de Comodo, beau sommet calcaire.

Pour rejoindre le plateau qui nous sépare de la vallée de Larri puis du
Canyon de Pineta, il y a donc un col qui culmine à un peu plus de 2200 
alors
que nous avons déjà plus de 1900 m dans les pattes.
Re peaux et à 17 h, bien hydraté et bien restauré, nous attaquons les 
300
derniers mètres de la journée.
La lumière orangée de cette fin d'après midi rend finalement cette 
montée
très plaisante.
Près du col, des pénitents de calcaire semblent monter la garde et 
profiter
des derniers rayons de soleil.
Arrivé au col, nous découvrons un long vallon parfaitement plat encastré
entre le versant du Pic de Sobrestiva et une longue dorsale calcaire.
Le site est superbe. On se promet tous d'y revenir en été.

Le soleil disparaît peu à peu derrière le Mont Perdu. Il est 18 h, il va
bientôt faire nuit et il nous faut redescendre sur la Pineta au milieu 
des
barres.
Rapidement nous remontons ce vallon pour passer un nouveau col et 
découvrir
encore et toujours de grandes étendue d'herbe et de neige mais pas de
solution de descente. Ici, il y a un abris.
Peut être devrons nous y revenir pour passer la nuit.

Sur la carte au 50 000, l'itinéraire passe par un col 100 au dessus de 
nous
vers le nord ouest. Il nous faut remettre les peaux et nous n'y 
arriverons
que pour la tombée de la nuit. Derrière, la descente sur la vallée de 
Larri
n'en sera que plus problématique... à moins de "se la jouer" un peu 
malin.

Je propose de faire une grande traversée descendante quitte à passer à 
ski
sur des éboulis, de rejoindre une épaule puis de suivre les courbes de
niveau afin de retrouver derrière le col l'itinéraire de descente. 
Espérons
qu'il n'y aura pas d'éperons rocheux pour contrarier cette idée.
Sans trop attendre de réponse, je m'élance. Les semelles souffrent, les
cuisses aussi.
Derrière l'épaule, nous traversons un premier couloir d'avalanche 
puis, une
foret clairsemée. Un second couloir d'avalanche se présente. Il est 
large et
pourrait nous permettre de perdre rapidement beaucoup de dénivelé.
La neige semble stable. Allons y !!!

Rapidement, dans la lumière à nouveau blafarde du crépuscule, nous 
dévalons
le plus souvent en conversions le couloir, puis, sur la droite, une 
saignée
dans la forêt et un semblant de chemin.
Un peu plus loin, l'itinéraire devient plus évident.
La faible couche de neige nous contraint à déchausser ponctuellement 
mais
nous gagnons rapidement le refuge de La Larri. Il était temps, la nuit
tombe.
Du refuge, une large piste pour partie enneigée nous conduit au fond du
cirque de Pinéta puis, au Parador où nous attends la voiture. Les 
dernières
kilomètres de Piste se font à ski dans le noir (avec deux frontales à 
diodes
- 60 gr).
Ca y est , la journée est terminée. Il est 19 h 45 et aussi surprenant 
que
cela puisse paraître personne n'est franchement fatigué..., juste un peu
éprouvé...