|
Gorges de Clarabide - Schrader - Punta Del Sabre - 3134 m
Generated by Galerie
mercredi 6 mai 2009
Cliquez sur une image pour l'agrandir
Les gorges de Clarabides....
"tu ne passera pas..."
"ces gorges, c'est un coupe gorges... "
"c'est trop dangereux...il y a des avalanches partout, tout le temps";..
Tout ces avertissements qui m'ont été adressés par des "anciens" dès
que j'ai fais part de mon projet étaient, à la réflexion, ...
justifiés et légitimes.
Les gorges de Clarabides en hiver, sont effectivement un endroit où
l'on ne doit pas passer ses vacances, ni son WE et encore moins
risquer sa peau.
Elles sont austères, lugubres, humides, exposées aux chutes de pierre
et surtout aux coulées d'avalanches...
Donc mieux vaut passer son chemin et aller ailleurs... sauf qu'elles
donnent quand même accès à un terrain de jeux formidable constellé de
3000 techniques désertés par les foules : Schrader, Punta del sabre,
Pic de l'Abeillé, Pic Clarabide, Gourgs Blancs, Spiegeolles, seuil de
la Bacque..
Retrouver les vertus de l'isolement, de l'engagement, le sentiment que
tout est loin et que les secours ne viendront pas ou alors dans
longtemps...., se retrouver si loin dans le temps, si près de
Toulouse, ça mérite quand même réflexion, ça suscite l'envie, ça
émoustille la curiosité.
Donc , comment, quand et avec qui les franchir....
Voilà des questions que je me osaient depuis quelques années.
L'an passé, lors des vacances de Pâques qui étaient fin avril, je
m'étais présenté à l'entrée et les faibles chutes de neige de l'hiver
passé semblaient rendre leur franchissement envisageable.
Cette année, les chutes de neiges exceptionnelles nous promettaient au
contraire des cônes d'avalanches monstrueux et hypothéquaient leur
franchissement.
Une première programmation mi avril avait été annulée en raison de
conditions nivologiques instables.
Pour ce WE du 1er mai, les conditions étaient loin d'être idéales:
chute de neige lourde pendant la semaine, pluie en altitude le jeudi
et le vendredi...mais, selon les infos que j'avais pu réunir ici et
là, les purges à partir de 2200 m avaient déjà été faites et donc, a
priori, malgré les mauvaises conditions, le risque de prendre une
coulée dans les gorges de Clarabides semblait limité.
Restait à envisager le comblement par des congères du chemin qui, en
plusieurs endroits est taillé en surplomb dans la falaise...
Là encore, les chaudes journées de la fin avril devaient avoir réduit
leur masse....
Encore fallait-il disposer de trois jours et réunir une équipe de
volontaire ayant à minima un niveau autonome voire expert...
Le WE du 1er semblait une date approprié (ni trop tôt en saison pour
éviter les grandes purges de moyenne altitude, ni trop tard pour ne
pas avoir à trop porter (en tout cas pas au delà de La Soula).
Donc, le jeudi, 30, on se retrouve à 6 au Caf pour tenter l'aventure
et si cela apparaît trop dangereux, on renonce et on va ailleurs....
Vendredi matin, il pleut sur les Pyrénées et notamment sur le Pont du
Prat, terminus de la vallée du Louron.
Nous sommes donc 6 dont 3 encadrants en ski alpinisme(Laurent
Mauzaize, Denis Malaterre), un encadrant en alpinisme (Gérard Gomez)
Jérome Rouyer et Jean Philippe Lainé qui sont sortit tout l'hiver.
Nous démarrons sans une trop grande motivation avec des sacs déjà bien
lourds, chargés de trois jours de ravitaillement , de carburant et de
divers matériels (cordes de 40 et 50 m, friends, baton de secours,
radios, etc...)Des sacs lourds qui vont encore s'alourdir au fur et a
mesure qu'ils vont s'imbiber d'eau de pluie et de fonte...
Dès la première heure, le décor est planté....
En plein milieu de la forêt, vers 1400 m, une énorme coulée, vieille
de quelques semaines recouvre le chemin de muletier sur près d'une
centaine de mètre.
Des arbres ont été arrachés et l'épaisseur au centre est bien
supérieure à 2 mètres....
Comme quoi, on est pas à l'abri même au coeur d'une forêt de sapins
centenaires.
La progression continue, lente mais déterminée.
Vers 16 h, nous parvenons à l'entrée des Gorges sur lesquelles veille
une vierge.
Les gorges sont encombrées de cônes d'avalanche traduisant bien la
furie des lieux mais, fort heureusement, dans le brouillard, nous
apercevons ici et là les pentes supérieures qui semblent purgées même
si une couche de neige récente vient de s'y déposer au cours de la
semaine.
Nous nous y engageons prudemment toujours en se gardant la possibilité
de faire demi tour à la moindre alerte.
Les gorges sont sinistres, abruptes, austères. Nous restons concentré.
Nous traversons les premiers cônes d'avalanches desquels dépassent des
branches arrachées par les coulées.
Un peu plus loin, le sentier se rétrécit et, comme attendu, une
congère de 2 m de haut occupe tout l'espace entre la falaise et le vide.
La neige est molle et nous n'avons aucun mal à y tracer des marches
bien profondes. Il faut néanmoins avoir le pied sûr d'autant que nous
portons des skis.
Nous nous sentons finalement en relative sécurité... bien que la pluie
continue à tomber...
Mauvais présage... une coulée dévale la pente de l'autre côté...
Devons nous renoncer.?
A vrai dire, et c'est bien le risque de l'enthousiasme... nous ne nous
posons pas trop longtemps la question et nous poursuivons le chemin
qui par endroit est très confortable, entièrement déneigé.
Nous franchissons une petite cascade puis à nouveau des cônes et des
congères et vers 17 h, nous sortons enfin des gorges, à 15 mn de La
Soula.
Nous sommes maintenant bien mouillés, les skis , la neige et par voies
de conséquences, les peaux aussi.
Jérôme et moi rencontrons d'importants problèmes d'adhésion de nos
peluches... mais comment sécher des peaux trempées ... sous une pluie
battante...
Bref, ce n'est pas là joie et l'allégresse...
Nous nous empressons de trouver un abri, au sec à La Soula mais, que
nenni... tout est verrouillé...pas le moindre abri, juste quelques
auvents sous lesquels nous nous entassons en attendant des conditions
moins rudes.
Je tente de fixer mes peaux avec du sparadrap (trop léger) et de la
trame autocollante (je n'en avait que deux donc pas assez pour être
efficace).
Peine perdue, vers 18 h, alors que nous reprenons notre route vers la
cabane de Prats Caseneuve à 2 h de marche, je dois traîner deux
enclumes, mes deux skis frappés par le pire des syndrome : le triple
bottage... oui, ça existe,je l'ai vu, de mes yeux vu :
10 cm de neige mouillée sur le ski, 10 cm de neige collante sous les
peaux et..... 10 cm de neige entre la peau et le ski...
de quoi se faire des cuisses en titane.... où renoncer définitivement
au ski de rando
3 fois durant cette monté interminable, je dû m'arrêter et gratter
tout cela dans l'espoir d'un court répis... qui vint avec un
refroidissement subit de l'atmosphère.
Maintenant, il neigeait à gros flocons....
Loin derrière, dans le brouillard, avec mes boulets aux pieds, je me
posais bien des questions existentielles.. pourquoi on est là, à 19 h
sous la neige, menacé par des avalanches dont les reliefs monumentaux
remplissent tout le fond de la vallée....
Qui nous paye pour venir ici ??? Qu'est ce que l'on fout là ???
Bref..bien qu'encadrant ce groupe, c'est moi que l'on attend et je
comprend mieux les humeurs maussades de ceux qui sont, pour une raison
ou une autre à la traîne d'un groupe qui lui, marche bien.
Heureusement, la perpective de la Cabane de Prats Caseneuve qui selon
certain témoignages incertains est doté d'un confort minimal mais
réconfortant me permet, nous permet d'avancer d'un bon pas et...vers
20 h nous franchissons le dernier ressaut.
La forme revenu j'arrive vers 20h 30.
Je commence à en faire tour... je ne vois pas de porte...
Elle est sous la neige.
Déneigement et enfin nous pénétrons à l'intérieur.
Effectivement, elle est tout à fait correcte.
En bas, une grande table permet à 8 personnes de s'asseoir. Un poêle
avec du bois est adossé au mur et une partie de l'espace est occupé
par une pièce fermée (la réserve du berger).
En haut on peut aisément y dormir à 10 (bien qu'il n' y ait que neuf
matelas) dont 6 sur des lits assez mollement suspendus.
Il y fait plutôt chaud mais il est impossible d'ouvrir la fenêtre...
qui ne s'ouvre pas.
Dehors, le jour s'assombrit et il commence à geler mais, conformément
aux prédictions météo, nous commençons à apercevoir le ciel..
Demain sera un autre jour.
Nous irons promener nos spatules vers le Schrader et la Punta Del
sabre... que des 3000
|