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Néouvielle 2000 - 03


Néouvielle 2000 - 03

2 mars 2000 00:00:45

Jeudi : Samivel is still alive
Lever à 7 h.
Il fait très beau mais le vent souffle encore sur les crêtes.
Stéphane et Olivier encadrent la journée et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas trop motivés ce matin.
Le vent qui a soufflé toute la nuit a transporté beaucoup de neige et il faudra se méfier des plaques à vent.
De plus, on entend au loin des explosions ; Est-ce encore les Serbes qui bombardent le refuge du Bastanet (voir épisode précédent).
Non, ce sont les pisteurs corses de Saint Lary qui font sauter leurs pistes..
Un instant, Olivier et Stéphane veulent renoncer au Néouvielle, l'objectif de la journée.
Comme ils ne me demandent pas mon avis, je leur donne une fois de plus et j'insiste pour aller voir. Il sera toujours possible de renoncer si la neige est trop dangereuse.
Et nous voilà partis vers la hourquette d'Aubert dans un univers comme Samivel sait si bien les décrire.
La neige est fine et douce. L'ombre des arbres caressent de formes féminines et ça et là des oiseaux, des rongeurs ont déjà dessiné des phrases aux lettres cabalistiques.
Le paradis sur terre !
La caravane s'avance en silence dans cet univers féérique, magique.
Peu à peu, les pins à crochet nous abandonnent et nous laissent en tête à tête avec le Néouvielle qui lentement se dresse devant nous avec son chapeau plat et ses épaulettes en rocher verglacé.
Entre-temps, le vent s'est apaisé.
Nous traçons sans difficulté en tachant de faire de belle traces qui épousent la pente, le relief, la Montagne.
La trace doit être belle, douce, mélodique. Tracer dans cette neige et dans ce décor est un travail d'artiste !
Au pied de la brèche de Chaussenque, nous déposons une grande partie de notre matériel, ne conservant que ce qui est indispensable pour la poursuite de l'ascension.
Arrivé devant le grand mur de neige final, nous hésitons sur l'option à suivre .
Craignant la présence d'une plaque à vent dans la partie raide de la pente, Pierre propose de traverser à droite et de rejoindre à notre hauteur des rochers puis de monter les 200 derniers mètres en crampons sur la droite.
Je propose un autre itinéraire : monter à ski sur une croupe devant nous puis traverser la pente vers des rochers isolés qui ancrent l'éventuelle plaque et rejoindre plus loin des rochers à partir des quels on chaussera les crampons.
Olivier qui fait la trace et qui ne veut faire de peine à personne fait la synthèse de nos propositions et reprend le début de l'itinéraire de Pierre puis retraverse plusieurs fois la pente notamment dans une partie particulièrement raide et suspecte pour rejoindre ma proposition. Bel esprit de synthèse mais est-ce vraiment opportun !
Laurent apprécie modérément et nous fait un petit caca nerveux en plein milieu de la pente : "je veux limiter les conséquences de cette connerie" dit il en enfilant sa veste.
Je fais rapidement une coupe de la couche et sur au moins 80 cm, on trouve des grains fin bien stables qui reposent sur une couche plus dure.
Le danger semble finalement relativement faible à cet endroit.
Un peu plus tard, nous voilà en crampons juste sous le sommet.
Stéphane passe devant pour installer une corde fixe. Il tricote un peu avec la corde et il s'aperçoit qu'il a oublié comment faire un nœud d'encordement (ou nœud de guide). Pierre s'impatiente. Stéphane s'en va installer une seconde corde fixe mais cette fois, il est à cours de sangles pour poser des amarrages. Pierre le rejoint, fait des nœuds sur la corde et les coince dans des fissures ou derrière des blocs, comme au bon vieux temps !

Nous voilà tous au sommet, sans un souffle de vent.
L'ambiance est bonne. On sort le saucisson et je fête mon 19ème Néouvielle.
Au 20ème, je monte le champagne.

La descente s'effectue sur une neige de rêve ou les Bandits montrent à quel point ils savent dessiner des courbes rondes et régulières..
En quelques minutes, nous sommes au pied de Chaussenque où nous allons bivouaquer.
La lumière est sublime et le rocher prend une couleur de miel.

Pierre nous propose de construire deux Igloo selon la technique norvégienne.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Quatre volontaires sont désignés.
Ils s'installent tous les quatre à genoux, tête contre tête et ils disposent entre eux leurs sacs pour combler les vides.
On installe une sonde (ou un bâton) entre les jambes de l'un d'eux. Ce sera dans quelques minutes le seul moyen de communication avec la civilisation et l'extérieur. Cela servira essentiellement de signal d'alerte et d'évacuation si quelque chose tournait mal (angoisse, asphyxie).
On recouvre le tout d'une couverture de survie puis, très vite, on balance des "tonnes" de neige plus ou moins tassée sur les pauvres volontaires. Il faut aller vite. Au bout d'un quart d'heure seul le bâton que l'on surveille comme le lait sur le feu reste visible.
Pierre tasse la neige en se couchant sur le monticule puis, dans la continuité du bâton, il creuse une entrée ou une sortie (ça dépend de quel côté on est).
Il attrape les pieds d'un premier volontaire et le tire à l'extérieur. Puis il extrait un sac, un second bonhomme et ainsi de suite. Il était temps, certains commençaient à angoisser sec !
Au final, en 20 mn, un petit igloo est ainsi constitué et il ne reste plus qu'à creuser, non pas la voûte à laquelle il ne faut pas toucher, mais le sol que l'on va attaquer sur 1mètre de profondeur voir plus. On va également creuser en largeur, d'où la nécessité d'avoir une base très épaisse.
Un second igloo sera construit juste à côté et nous les ferons communiquer.
Ainsi en moins de 2 heures, nous avions un espace suffisamment grand pour loger 10 personnes assez confortablement.
C'est bien dans ces moments là que se fondent les groupes.
La soirée sera superbe. Le coucher de soleil montrera des couleurs incroyables allant du bleu clair au violet en passant par toutes les nuances de l'or, de l'ambre et du miel.
Dans les igloo, l'ambiance est carrément euphorique.
Quelle journée !

 

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